Page:Europe, revue mensuelle, No 93, 1930-09-15.djvu/29

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jour, que tout recommençait dans les assemblées soviétiques, dans les mouvements ouvriers ?

Notre conclusion était vide, parce que l’on nous avait accoutumés à penser à l’Orient comme au contraire de l’Occident : alors au moment que la chute et la pourriture de l’Europe étaient des faits absolument simples et clairs et distincts, la renaissance et la floraison de l’Orient n’appartenaient pas moins à l’ordre des évidences. Il renfermait le salut et la nouvelle vie des européens, il avait des remèdes et de l’amour de reste. On usait un peu partout avec imprudence des analogies antiques et de l’histoire officielle des religions ; on ornait l’Asie de toutes les vertus humaines que l’Occident achevait de perdre depuis tantôt trois cents ans et ne réclamait plus que dans la colonne d’agonie des quotidiens anglais. L’esprit de la civilisation planait sur l’Inde, la Chine nous semblait plus merveilleuse qu’à Marco Polo. Qui donc nous aurait révélé de bonnes raisons brutales, de bonnes raisons humaines, de nous intéresser à l’Asie : les grèves à Bombay, les révolutions et les massacres en Chine, les emprisonnements au Tonkin. Et non Bouddha.

Il y avait aussi l’Amérique. L’Europe avec son maigre compte de terres, sa pauvreté d’hommes et de pétrole, sa misère d’événements paraissait une vieille femme agonisante entre deux héros : l’Asie héros de la sagesse, l’Amérique, héros de la puissance.

L’Afrique, l’Océanie étaient encore des réservoirs débordants de poésie que n’utilisaient guère que des marchands de curiosités et des poètes à l’inspiration appauvrie.

Tout cela marquait simplement la paresse et l’impuissance des gens d’Europe à faire quelque chose pour eux-mêmes ; et les autres continents fournissaient quelques-uns des mondes imaginaires que tous les hommes inventaient dans la nuit pour oublier les