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Aden
ARABIE

VI

AU bout d’un mois de mer, de coups de vent, de haltes, de secrets chuchotés sous les vents je commence à comprendre des parties de ce voyage. Qu’est-ce qui lui arrive ? C’est une fusion de ses légendes, avec ce peu d’eau grise du printemps, ces légendes sur le bienfait du départ, sur les bénéfices du départ, sur les bénéfices d’inventaire, car il paraît que les voyages sont un inventaire. Duhamel me l’a dit quand j’allais prendre le train, je me demandais si je ne ferais pas mieux de donner mon billet à un pauvre. De ces légendes sur le salut, sur la liberté censée courir les mers, sur les gentilshommes de fortune. Encore dois-je laisser de côté le pavillon noir, je ne sais pas ce qu’il vaut après tout, je n’ai tué personne.

Je suis tranquille derrière mes stores de roseaux, mes colonnes carrées, sur un fauteuil taillé par un forçat. Pensons à mon départ. J’avais peur, mon départ était un enfant de la peur. Quand je regarde de cette latitude abritée les années où j’ai eu vingt ans et dix--