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Page:Europe, revue mensuelle, No 94, 1930-10-15.djvu/70

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Et voici ce lieu si beau qu’il fait mourir.

Aden est un grand volcan lunaire dont un pan a sauté avant que les hommes fussent là pour inventer des légendes sur l’explosion de cette poudrière. Ils ont fait la légende après : le réveil d’Aden dont les galeries conduisent à l’enfer annoncera la fin du monde.

Un tronc de pyramide recuit et violacé dans un monde bleu, couronné de forts turcs en ruines ; une pierre entourée de vagues concentriques, lâchée par l’oiseau Roc au bord de l’Océan Indien ; un terrain d’aventures pour Sindbad le Marin, lié à la grande péninsule arabique par un cordon ombilical de salines et de sables, sous un atroce soleil que les hommes ne sont pas arrivés à prier.

C’est entouré de déserts d’eau couverte de méduses qui amènent des poissons, des couteaux, des casques, des bâtons : entre Ras Marshag et Kor Maksar s’étendent des bancs de coquilles et de squelettes de poissons insolites comme des nervures desséchées de feuilles. « Lors du changement de la mousson… dit Reclus, des milliers de poissons morts de toute espèce sont rejetés par la vague sur les côtes de Périm et d’Aden. »

Des déserts de pierre ouvrent le Yémen au pied d’un massif rouge flottant presque toujours entre des nuées de lessive. Ce massif cache les champs de l’Arabie heureuse, les jardins et les palais de Sana, les populations serrées de plus d’une ville légendaire.

Des chemins de ronde fortifiés dominent les passes taillées dans le rocher entre la ville indigène et la ville britannique, il y a des tunnels noirs où circule l’odeur d’ammoniaque des excréments, des villages de tombeaux, des villages de maisons, des citernes de métal pleines de pétrole, des casernes regardant la mer, des hangars d’avion, des clubs,