Page:Europe, revue mensuelle, No 94, 1930-10-15.djvu/77

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On comprend bien des choses si l’on sait que chacun de ces hommes devait être enterré selon les rites de sa bande, avec tout ce qu’il peut y avoir de prières : catholiques, juives, puritaines, presbytériennes, méthodistes, parsies, jaines, musulmanes. Il y avait des morts qu’on déposait dans un lit de rochers, d’autres qu’on brûlait, d’autres qu’on abandonnait à la cuisson du soleil et au bec courbe des vautours.

IX

JE vois d’ici Aidrus road, montant vers la grande mosquée Aidrus blanche et verte, du haut de laquelle le prêtre crie la prière vers les quatre vents de l’horizon au commencement du matin : les autres mosquées répondent des quatre coins de Crater endormi. Les chèvres couchées devant les portes, les indigènes couchés sur leurs bancs de ficelles comme des morts habillés de blanc commencent à remuer faiblement. La rue se termine divisée par les éperons de rocher, se dissipe en sentiers qui s’enfoncent dans la montagne vers les baies, les carrières, les abattoirs et la Tour du silence, résidence des morts.

Il y a un trafic de passants, de fêtes, de ces enterrements arabes glapissants qui trottent comme des champions de marche. Et toute la journée courant dans la poussière riche de débris les coolies, traînant des charrettes chargées de peaux séchées, et leur chant de travail sans couplets. De grandes filles somalies passent, riant aux hommes des deux yeux, un pan de leur voile de saintes vierges entre les dents. Les indiennes offrent leurs puissants bras nus, des surfaces brunes et élastiques de chair entre leur jupe et le corselet étroit qui bande leurs omoplates et leurs seins. Les deux Américaines de la rue marchent avec