Page:Europe, revue mensuelle, No 94, 1930-10-15.djvu/81

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sion lorsqu’il n’est pas question d’enregistrer des chiffres mais des sentences de la sagesse morale, des décisions politiques. Ce qui m’a le plus dégoûté de mes frères c’est de les voir vivre comme des vers : les vers ne comprennent rien à l’attraction universelle, les hommes à leur bon dieu, à leurs désirs, à leurs opérations : tout plane sur eux, ils inventent ce qui plane.

Il ne fallait pas beaucoup de génie ni ces grandes ardeurs qu’il pensait éprouver pour résonner sous l’afflux de tant de voix. Les échos les plus décoratifs ne sont pas des modèles de vertu ; redoubler des sons, quel nom faudra-t-il donner à cette opération passive ? Entraîné dans la ronde des capitaux et des échanges dont personne ne pouvait arrêter le mouvement sans cesse accéléré de rotation, il commandait des esclaves attachés à la même roue, échos moins sensibles qui devaient recueillir sa voix avant de résonner à leur tour.

Heureusement, il n’était pas tranquille. Il y avait autour de lui comme une atmosphère de présages mortels qui l’empêchait de voir arriver les jours avec joie. Il attendait quelque chose de funeste, il ne croyait pas à ses propres projets. Pas de répit, de relâche : la pompe aspirante, qui vidait sa vie, continuait à monter et à descendre comme une respiration fatale. Il allait, de plus en plus souvent jusqu’à dire qu’il abandonnerait tout un jour, laissant ses stocks de cuir, ses réserves d’essence, ses piles de registres et ses classeurs. Mais ces matières, ces registres étaient devenus sa matière : la fuite l’aurait tué.

Qui l’aurait dénoncé ? qui lui aurait demandé des comptes au nom des hommes vidés à son service, devenus des mannequins empressés à plaire et tremblants ? Au nom de ses propres enfants écrasés par lui.

Il aurait répondu que son cœur était pur. Tous