Page:Europe, revue mensuelle, No 94, 1930-10-15.djvu/85

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Que faire des officiers anglais, des fonctionnaires anglais avec leurs aventures de hiérarchie. Ils portent des couleurs de régiment, de collège comme des décorations : pas moyen qu’ils se perdent en faisant le tour du monde dans n’importe quel sens, sur n’importe quel méridien. Il y aurait des chances pour que quelqu’un les reconnaisse, même chez les Barbares au Pôle Nord, en Espagne. Les autres pays habités par des hommes sont pour eux de drôles de corps, des espèces de planètes écartées de l’orbite de l’Empire qui était parfois entré en contact avec elles, à Crécy, à Waterloo, sur la Somme. Ils croient que l’Empire, c’est la paix, que les yeux de Margaret Bannermann, les records de Lord Burghley compensent pour le Jour du Jugement les hautes maisons mortelles de la ville d’Edinbourgh, les grèves charbonnières et l’existence même de Sir Henry Deterding, ils sont guidés par l’ignorance, les proverbes patriotiques, le respect du pétrole et de la bonne tenue à table, par la poésie romantique.

Il y avait les Hindous, les Arabes, les Noirs impénétrables. Je n’avais pas dix ans à perdre pour fixer ma vie parmi eux et d’abord les connaître. Tout compté, tout pesé, je vis parmi les Européens. Ce sont les maîtres des hommes qu’il faut combattre et mettre à bas. Les belles connaissances viendront après cette guerre.

P. NIZAN.

(À suivre).