Page:Europe, revue mensuelle, No 95, 1930-11-15.djvu/115

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vos révélations naturelles et vos magasins de symboles. Pourquoi, sans espoir dans le commerce humain, irais-je m’enfermer dans la nature, lui accorder une confiance refusée aux vivants ? Un refus de l’amour, de l’amitié, de la victoire, un parfait désespoir peuvent conclure par cette retraite : cette sagesse qui ne comporte plus aucun espoir dans l’homme est celle d’Épicure, lorsque tout paraissait condamné, ce héros fit la part du feu. Pourquoi voulez-vous me voir absolument désespéré, me livrant aux mouvements du ciel ? Je vous donnerai plus de fil à retordre que vous ne pensez.

Quand j’eus saisi les hommes, je n’eus que le retour dans la tête, impatient comme un cheval avec ses gros yeux noirs et ses pieds anxieux. Je voyais mon temps se perdre, cette chose qui m’appartient. Mais comme les hommes, je n’en suis pas riche : je mourrai. L’isolement où j’étais m’interdisait toute action efficace, toute lutte, qui eût été d’un poids dérisoire dans une ville qui n’était qu’un reflet simplifié des villes de l’Occident. Je soupçonnais aussi qu’en Europe je ne serais pas si seul.

L’Europe, une souche qui a laissé tomber un peu partout des racines adventives comme un figuier banyan : attaquons la souche d’abord.

XIV

Trop lentement au gré de mon impatience, je reviens. J’allais dire, je remonte, nous croyons penser à l’univers, nous ne pensons qu’aux cartes et, pour aller du sud au nord on lit la mappemonde de bas en haut. Dans le ciel cela ne veut rien dire. Le nord est dans tous les sens.

C’est encore un voyage freiné tous les jours par les