Page:Europe (revue mensuelle), n° 123, 03-1933.djvu/122

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et à M. Léonard, bien plus panaché, car il y avait deux pachas, un janissaire et une odalisque coûteuse.

— Justement, c’était un bluff guère réussi : nous y avons fait faillite !

Léonard, de son bureau, se retourna lentement et braqua sur Macovei ses yeux clairs :

— C’est ton… « janissaire » qui nous a décapités !

— Mon « janissaire » ou ton « odalisque coûteuse », je n’en sais rien. Je dis seulement que ces carrés-là vous font toujours faire faillite. Il faut s’en méfier.

— Macovei a raison, conclut Mikhaïl, je ferai attention à ma cagnotte.

Et considérant à la ronde les jolies servantes qui se trouvaient dans le « Bureau », il ajouta :

— Cependant j’aime bien les « odalisques » aussi ! Pas vrai, Tassia ?

Tassia, qu’on appelait « la belle mocancoutsa » parce qu’originaire de Transylvanie, était le flirt de Mikhaïl. À cause de sa beauté, elle se voyait, au bout de peu de jours, chassée de toute place où la maîtresse jalousait son mari coureur. Mais, possédant de jolies économies, elle ne s’en faisait pas. Et, toujours de bonne humeur, elle égayait le « Bureau » en racontant tout ce qu’elle savait des maisons où elle avait servi.

— Je ne sais pas ce que c’est qu’une « odalisque », répondit-elle, mais je vous ai entendu parler des pachas. Et je me souviens d’une patronne qui appelait son mari « mon pacha ». C’était un gros bonhomme, chauve, lourdaud et dont le ventre pouvait contenir tout un baril de bière. Madame s’en plaignait. Elle rappliquait tout le temps à l’office nous raconter, à la cuisinière et à moi, les luttes qu’elle livrait la nuit au ventre de son pacha.

Tassia partit d’un rire significatif et, le visage empourpré, continua :

— Ce n’est pas tant au ventre qu’elle en voulait, qu’à ce qu’il y avait en dessous : « C’est malheureux, disait Madame. Au lieu d’un machin respectable comme presque tous les hommes en ont, mon pacha n’a qu’un tout petit piment ! » Dites ! « Elle appelait ça un tout petit piment ! »