matin, n’ayant pas le cœur de gâter un sommeil si cher, préfère ne pas se lever, lui non plus.
— Tu coucheras sans chemise !
— Alors, tu trouverais moyen de t’endormir sur mon bras. Non, non ! Soyons sérieux. Il nous en coûterait plus cher si je restais sans occupation. Cela m’obligerait à te quitter.
— Donne-moi au moins ton adresse. Où habites-tu ?
— Dans un ignoble trou !
— Où ?
— Permets-moi de ne pas te le dire. Ça me fait honte. Je n’y reste que parce que c’est Mikhaïl qui le veut.
— Ah, tu es avec Mikhaïl ? Il est donc revenu de Mandchourie ? Eh bien, dis-lui que je l’embrasse et que je l’invite à déjeuner dimanche prochain. Je préparerai du canard aux petits pois, son plat favori.
Au bureau de placement, Adrien trouva Mikhaïl au comble de l’angoisse. Il pensait à quelque accident et s’apprêtait à aller demander des renseignements à la police. Adrien lui raconta tout. Mikhaïl s’écria :
— Et tu fais une tête si malheureuse, quand tu sors des bras d’une belle femme ? Farceur !
— Oui, mais j’ai fait blau-Montag, comme tu vois.
— Ah, ça… Les aventures coûtent cher. Et maintenant, iras-tu loger chez elle ? Sûrement !
— Jamais !
— Tiens ! Comme tu es fort ! Je te félicite, pour l’aventure et pour la preuve de caractère que tu me donnes. Pourvu que ça dure… Mais, dis-moi : n’as-tu pas eu besoin d’argent, en cette circonstance ? Tu es parti, hier matin avec deux francs dans la poche.
— Je les ai encore ? Elle ne m’a pas même permis de payer le mouscal.
— Quelle admirable poulette ! Dommage qu’elle n’ait pas une sœur pour moi aussi ! Nous ferions un beau carré d’as.
— Ce n’est pas vrai, intervint Macovei. Tu connais mal le poker : dans un carré d’as, il ne peut pas y avoir deux dames.
— En es-tu certain ? Souviens-toi de votre carré, à toi