Page:Europe (revue mensuelle), n° 123, 03-1933.djvu/131

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prêt à le chasser. Puis il se fourra sous sa harde, réfléchissant :

— Paris ! Qui diable peut voir Paris ? Les riches et les fous !

Mikhaïl, la pensée à Tassia, avait longtemps attendu qu’un bruit dans la chambrette lui annonçât une nouvelle visite nocturne de Cristin, amenant une conquête qui eût pu cette fois être la « mocancoutsa ». Il savait que le galant s’introduisait prudemment, par une entrée indépendante, qui donnait sur la cour. Mais, fatigué, il s’était endormi presque rassuré. Et, une fois pris par le sommeil, il lui arrivait rarement de se réveiller avant le matin. Il savait chasser par l’auto-suggestion toute cause d’insomnie.

Il n’en allait pas de même avec Léonard, dont les nuits étaient plutôt blanches. Et ce fut lui seul d’abord qui entérinait Cristin arriver après le coup de minuit.

— Le voilà qui rapplique, murmura-t-il, d’assez mauvaise humeur.

Le timbre sonore de sa voix réveilla Adrien, dont le sommeil était toujours léger. Il n’avait rien compris, mais ouvrant les yeux il rencontra le regard du patron.

— Qu’est-ce qu’il y a ? chuchota-t-il.

— C’est la « musique » de Cristin qui recommence ! répondit l’autre, du bout des lèvres.

La « musique », c’était le bruit des ébats des deux amoureux : le lit qui grinçait très fort et, souvent, les soupirs aussi et les gémissements de la femme. On demandait parfois à Cristin :

— Que leur fais-tu à tes « poules » pour qu’elles mugissent ainsi ?

— Ça leur plaît ! répondait-il, fier.

Ce plaisir, auquel s’ajouta le grincement régulier du lit, ne manqua pas cette nuit-là encore, de rendre la « musique » particulièrement violente. Adrien ne l’ignorait pas plus que les autres pensionnaires et il eût fait de son mieux afin de se rendormir, mais il était curieux maintenant de savoir si la partenaire ne se trouvait par hasard être l’amie de Mikhaïl. Il écouta, attentif, toute la partition qui se termina sans qu’il en fût édifié. Et le sommeil lui alourdissait déjà les paupières, quand une autre partie fut entamée.

Cette fois, il y eut de vrais cris et il reconnut nettement la voix de Tassia qui disait :