Page:Europe (revue mensuelle), n° 124, 04-1933.djvu/91

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— Tant pis, n’est-ce pas Adrien ?

— Tant pis, Mikhaïl !

— Jamais rien regretter ?

— Jamais.

Mikhaïl prit son chapeau :

— Dans une demi-heure je suis de retour !

On voulait l’arrêter, mais il était déjà dehors.

— Où va-t-il ? demanda Loutchia.

Qu’en sais-je ? répondit Adrien. Je sais qu’il est heureux ! Diablesses de femmes que vous êtes !


À table, Adrien remarqua que Mikhaïl n’avait plus sa bague, ornée d’une émeraude assez belle :

« C’est donc pour cela que tu es parti en coup de vent ? » pensa-t-il. « L’a-t-il vendue, ou seulement engagée ? »

Mikhaïl, revenu un peu de ses petits verres, semblait méditer en cachette, tout en se régalant du canard, tout en répondant aux questions. Mais il n’y mettait plus qu’un élan tempéré. Et encore une fois Adrien put constater la distinction de cet homme qui, sans se donner la moindre peine, trahissait par toute son attitude la splendeur de sa race, de son origine :

« Il est, à cette table, le seul bien élevé. Nous autres, des rustres. »

— Buvez, buvez donc ! conviait Loutchia. On était plus gais tout à l’heure. Toi, surtout, Mikhaïl : tu as perdu tes bonnes dispositions, dans ta course mystérieuse. Qu’en as-tu fait ?

Mikhaïl détourna la question :

— Rien qui vaille la peine d’en parler. Et tu ferais mieux de nous dire, à Adrien et à moi, d’où tu as tiré, avec tant d’à-propos, notre belle Polixéni.

— Ah, voilà ! C’est ta chance. Le mari de Polixéni…

— To-po-log ! Dieu, que c’est laid !

— C’est laid, mais ça fait bien l’affaire de notre amie, car elle le trompe en le tenant par la main. Eh bien, Topolog est un illustre bottier et chef socialiste à Galatz, où il possède une belle boutique.

— Comment ? Polixéni arrive de Galatz, maintenant ?