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LE BUREAU DE PLACEMENT[1]


VIII


Vers la fin du mois d’août, une nouvelle des plus séduisantes traversa comme l’éclair le monde miséreux des bureaux de placement : un monsieur riche et paralytique demandait de belles servantes, pour l’étranger ; il payait royalement. C’est Nitza qui, le premier, apporta la nouvelle, après l’avoir vérifiée à son seul avantage, plaçant en cachette une de ces belles servantes que le monsieur demandait et empochant une somme inouïe, absolument inusitée dans le placement des domestiques : trente francs !

Le « Bureau » était bouche bée. Cristin dit :

— Trente francs pour une servante, quand on peut l’avoir, même pour aller à l’étranger, à dix francs ? Ça me paraît bien suspect !

— Ce n’est pas trop payé, dit Nitza, car j’ai battu le pavé plus de dix jours et je lui ai présenté plus de vingt femmes jusqu’à ce qu’il en ait trouvé une à son goût. Il les veut grandes, fortes, présentables, de vraies belles femmes !

— Il ne leur demande rien d’autre, quant au service ?

— Rien.

— C’est un proxénète !

— Ha, ha, s’exclama Nitza, triomphant ! Je m’attendais à ce que tu me dises cela. Mais voilà : j’y ai pensé moi-même et j’ai pris mes précautions. Eh bien, inutile de suspecter cet homme. D’abord il porte la médaille Vaillance et Fidélité, puis un jour je l’ai trouvé déjeunant entre les députés Louca Tomescu et Stéphane Covrig. Alors j’ai tout su, car j’ai assisté à leur conversation, pendant qu’il m’expliquait comment doivent être les femmes dont il a besoin. Il s’agit

  1. Voir Europe des 15 février, 15 mars et 15 avril 1933.