Page:Europe (revue mensuelle), n° 125, 05-1935.djvu/98

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des informations exactes sur la culpabilité ou sur l’innocence des arrêtés — il empoigna le pauvre Macovei par la poitrine et le frappa contre le mur :

— Vieux pézéveng !

Alors on vit Cristin, avec son culot formidable, se précipiter sur le téléphone. On l’empêcha d’aller plus loin, mais il asséna un coup de poing sur le bureau du commissaire et hurla, rouge de colère :

— Je veux téléphoner au camarade Mortzun ! Il faut que le ministre de l’Intérieur sache ce qui se passe dans ce repaire de bandits ! Oui, bandits !

Le commissaire, ébahi, ricana, les mains dans les poches :

— Ah ! Monsieur Cristin est le… « camarade » de M. le ministre de l’Intérieur ! Je l’avais oublié ! Pauvres ministres généreux ! Comme ils paient maintenant leurs péchés de jeunesse. — « Ca-ma-rades »… — Eh bien : foutez-moi le camp tous !

Dans la rue, Cristin regrettait d’être parti sans avoir « obligé le commissaire à consigner ses brutalités dans un procès-verbal », mais Mikhaïl qui, une minute avant, se voyait « en route pour la Sibérie », se disait :

« Je l’ai échappé belle ! »

Macovei marmotta, mélancolique :

— Payez-moi au moins un bon plat de viande au chou, vous autres qui avez fait des affaires, pour me dédommager de la bosse que j’ai derrière la tête !


L’affaire de la rue de l’Ombre fut promptement étouffée, dans un chœur d’aboiements de la presse qui alla toujours en diminuant d’intensité, au fur et à mesure des interventions officieuses ou des pots-de-vin distribués. Racaceanu, mis en liberté sous caution, ne fit plus jamais parler de lui. C’est l’agréable sort de tous les « Pélémé » roumains, qui savent cultiver des relations parlementaires ou ministérielles. Encore fut-on heureux, dans cette occasion, que des innocents n’aient pas payé la casse.

Mais l’aventure avait épouvanté nos deux héros : Mikhaïl et Adrien, dégoûtés, profitèrent d’une demande de deux garçons d’étage, venant de l’Hôtel English, et changèrent d’exis-