Page:Europe (revue mensuelle), n° 125, 05-1935.djvu/97

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où, « vrrr », un beau matin, Pélémé fut pris par le collet et jeté au cachot, dans un grand vacarme des journaux qui hurlaient au Proxénète de la rue de l’Ombre.

Hélas, il ne fut pas le seul à être arrêté ! Tous les agents des bureaux de placement, les patrons en tête, le suivirent. Dans les sous-sols de la préfecture de police se rencontrèrent, à cette occasion, deux douzaines d’hommes que les rivalités du métier faisaient se haïr cordialement : patrons et agents, pour la plupart hommes sans honneur et sans caractère, anciens policiers ou mouchards destitués pour corruption, chantage, fraudes. Ils se réfugiaient derrière l’enseigne, honorable en apparence, d’un Bureau de Placement, où les affaires des placements ménagers n’étaient qu’un prétexte. Dans l’arrière-boutique on introduisit les serviteurs spécialisés dans les vols domestiques et on les plaçait là d’où ils pouvaient facilement rapporter des bijoux et de l’argenterie, ou même des billets de banque. On y fabriquait de fameux « certificats » de service. On faisait du mouchardage privé pour le compte de dames et de messieurs cocufiés. On procurait de belles filles blennorragiques à de graves pères de famille. À ceux qui n’étaient pas aussi graves, on les offrait sur place, pour cinq francs, tout compris, sauf le traitement médical inévitable. Et s’il arrivait quelque gros scandale de vol ou de débauche, qui faisait péricliter la boîte, on découvrait toujours dans les fiches un monsieur haut placé auquel on avait rendu service, et qui sauvait l’entreprise.

C’est mêlées à toutes ces têtes louches qu’on vit, au moment de ces arrestations en masse, les figures innocentes de Léonard et de Macovei, les plus à plaindre de tous, car ils étaient les seuls du « Bureau » qui n’avaient jamais mis le pied rue de l’Ombre. De la grande salle commune, où on avait entassé tout le monde, on faisait appeler « bureau » après « bureau » au complet, qu’on alignait devant un commissaire géant et féroce, espèce de fauve policier, pour qui le premier acte de l’instruction était de foncer sur le prévenu et de lui casser la figure.

Adrien et Mikhaïl reçurent aussitôt chacun deux gifles qui les firent tourner en rond comme des girouettes. Puis, on ne sut pas pour quelle raison — car la brute possédait