Page:Europe (revue mensuelle), n° 97, 01-1931.djvu/63

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jaune paille. Les toucher, c’est un plaisir. Les filer, c’est l’engourdissement des mains. Elles répandent une agréable odeur de foin frais.

Par une ouverture pratiquée au plafond, on monte au grenier, qui est plein de nattes, de paniers, de corbeilles, jusqu’au toit.

Cette paisible habitation, occupant une faible surface, est entourée d’une vraie forêt de saules en rangée épaisse, impénétrable. Poussant dans le parapet même, elle constitue une inexpugnable défense naturelle contre les flots. Œuvre de titan.

On y pénètre, en grimpant une pente rapide qui s’arrête au niveau du sol de l’habitation, au-dessus duquel se dresse la muraille vivante. Une entaille, pas plus large que le corps d’un homme et facile à obstruer, ouvre dans cette muraille un passage peu commode, et dépourvu de porte. Une tête de patriarche remplit le cadre intérieur d’une petite fenêtre donnant sur la cour ; un visage bronzé, gercé, poilu, encadré d’une grande barbe poivre et sel ; deux yeux au regard fort et doux vous fixent, comme pour vous dire : la paix soit avec vous !

Père Andreï est très grand, et droit comme les joncs qui le cachent aux yeux du monde. Sa chevelure est toute ramassée en un chignon derrière la tête, ainsi que la portaient nos vieux prêtres orthodoxes d’autrefois. Son corps, qu’on devine, à ses mouvements, souple et fort, est du cou à la cheville enveloppé dans un froc de bure grise. Les pieds sont chaussés de sandales de cuir brut. Sa démarche est nonchalante. Sa voix est riche de toutes les gammes que savent chanter les mâles.

Il était près de minuit quand, ce jour décisif pour le sort de Minnka, père Andreï vit son fils arriver en