Page:Europe (revue mensuelle), n° 97, 01-1931.djvu/77

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bois dur étaient toujours occupés. Du monde se tenait debout, le verre à la main. Les boissons coulaient à flot. Citadins et paysans aux costumes les plus divers, les faces embrasées par le vin et la passion, parlaient tous à la fois, hurlaient, gesticulaient, tapaient du poing.

L’épicerie, plus calme, débitait ses produits à un monde aussi bariolé. On y vendait tout ce dont on a besoin, sauf les articles pharmaceutiques : « coloniales et délicatesses », où entrait toute l’épicerie, avec ses énormes sacs de café, sucre, riz, farine de froment et de maïs, pommes de terre, noix, caroubes, noisettes, amandes ; caisses de thé et de pâtes alimentaires ; charcuterie ; fûts d’huile et d’olives, de toutes les qualités ; grand étalage de cierges et d’encens ; section pour le pain et le bois de chauffage ; quincaillerie ; puis, vaste assortiment de chaussures et de vêtements paysans ; cordages, vannerie, balais, sacs, bâches, dames-jeannes.

Au restaurant, — où tout était appétissant, propre, mais d’une présentation « sans manières », — la cuisine exposait à la vue de tout le monde ses plats d’un choix très varié, cependant que le gril vomissait des légions de côtelettes et des nuages de fumée aux odeurs stimulantes. On ne donnait des serviettes que sur demande. Chacun suçait ses doigts ou les essuyait sur la mie du pain qu’on mangeait. Point de pourboire. Point de réclamation.

Toute cette vaste affaire était complètement dépourvue de comptabilité et de contrôle. Le tejghetar encaissait, sur l’appel du garçon, tout l’argent qui venait de la taverne et du restaurant. L’épicerie avait son surveillant et sa caisse à elle. Le soir, vers minuit, Sima allait, avec un sachet, enlever des deux caisses ce qui s’y trouvait. Bonne ou mauvaise journée, il n’avait rien à dire et rien à y faire.