Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/226

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Pendant que nous étions à nous calciner dans un coin de cette grande tabagie, nos Chinois paraissaient vivre parfaitement à l’aise. Ils soufflaient bien un peu de temps en temps ; mais on voyait bien qu’en somme ils étaient heureux, et que cette manière d’être leur allait. Maître Ting, surtout, avait l’air extrêmement satisfait de lui-même. Après avoir abondamment fumé du tabac et de l’opium et avoir avalé un nombre considérable de tasses de thé, il se mit à fredonner ses longues litanies, sans doute pour remercier son patron Kao-wang de l’avoir si bien protégé dans son entreprise. Nous comprenions à merveille que notre conducteur fût heureux, car cette journée allait être pour lui très-lucrative, et, par conséquent, on ne peut plus agréable.

Un jeune Chinois nommé Wei-chan, qu’on nous avait donné pour domestique particulier, et qui paraissait nous être très-dévoué, sans doute parce qu’il pensait y trouver son intérêt, nous tenait un peu au courant des manœuvres diplomatiques de nos conducteurs. Ainsi cette journée de navigation n’avait été que le résultat d’une sordide spéculation. A chaque étape, le mandarin du lieu où l’on s’arrête est obligé de subvenir à l’entretien de tout le personnel de l’escorte, de supporter ensuite tous les frais de la route jusqu’à l’étape suivante, de fournir les porteurs de palanquin et les chevaux pour les soldats. Ces corvées leur coûtent des sommes fort considérables. Maître Ting avait arrangé ses petites combinaisons la veille même de notre départ de Tching-tou-fou, il avait envoyé son scribe sur la route que nous devions suivre, pour recueillir le tribut fixé, et prévenir gracieusement