Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sons dévorées par les flammes. Les pompiers se sont à peine retirés que les maçons et les charpentiers envahissent ce sol encore tout brûlant. Ordinairement ce ne sont pas les mêmes propriétaires qui bâtissent ; ceux-là sont le plus souvent, ruinés ; ils disparaissent et vont se caser où ils peuvent. La soif du commerce et des spéculations est tellement ardente dans ce pays, qu’au moment même où le feu dévore les maisons, les acquéreurs du terrain se présentent en foule, et le contrat de vente se signe, en quelque sorte, à la lueur de l’incendie. Le sol est aussitôt déblayé comme par enchantement, et il est d’usage qu’on aille entasser tous les décombres sur l’emplacement de la maison où le feu s’est d’abord déclaré. La loi, par cette mesure, prétend infliger une punition à celui qu’elle suppose coupable de négligence, en lui faisant supporter tous les frais du déblayement. On rencontre fréquemment, dans l’enceinte des villes, de nombreux entassements de décombres qui n’ont pas d’autre origine que cet usage.

Nous quittâmes Tchoung-king le lendemain, un peu tard, pour aller passer la journée dans la ville voisine. Nous n’eûmes qu’à traverser le fleuve Bleu, dont le cours rapide pouvait présenter quelques difficultés ; mais nous arrivâmes à l’autre bord sans la moindre contradiction, et maître Ting ne manqua pas de s’en attribuer le succès. Il avait su choisir, disait-il, une barque d’une construction parfaite et des mariniers d’une intelligence éprouvée ; puis Kao-wang, dont il avait récité les litanies de grand matin, tout en fumant son opium, avait commandé au fleuve de nous porter sur ses ondes en douceur et pacifiquement.