Nos petites aventures de Kien-tcheou avaient eu du retentissement. Les mandarins, convaincus que nous n’étions nullement disposés à favoriser à nos dépens toutes leurs combinaisons d’intérêt, parurent en prendre leur parti. Déjà à Tchoung-king nous pûmes constater les bons effets de notre fermeté. Nous trouvâmes le palais communal entièrement pavoisé et d’une tenue irréprochable ; tout le monde fit des efforts pour être prévenant et aimable ; aussi fûmes-nous tout disposés à récompenser ce zèle par un prompt départ.
L’administration augmenta notre escorte d’un nouveau mandarin militaire et de huit soldats. On ne manqua pas de nous dire que les autorités de la ville avaient voté ce renfort en vue de nous faire honneur, et de donner à notre marche une allure plus solennelle, ou, comme on s’exprime en Chine, pour déployer le caractère d’une majesté hautaine. Nous remerciâmes le préfet de sa courtoisie, et nous lui laissâmes tout le mérite de sa prétendue générosité. Nous savions que la mesure avait été ordonnée par le vice-roi, à cause des bandes de voleurs dont étaient infestés les chemins que nous allions parcourir jusqu’aux limites de la province.
Le nouveau mandarin militaire était un héros de la fameuse expédition envoyée à Canton contre les Anglais en 1842. Quoiqu’il eût fait la guerre contre les diables occidentaux, son air était très-peu martial ; sa longue figure de papier mâché, sa bouche toujours niaisement entr’ouverte, et sa démarche maussade et disloquée, ne lui donnaient pas une tournure extrêmement guerrière. Ses manières prétentieuses et peu convenables nous firent augurer que nous ne ferions pas ensemble très--