jusqu’à nous. On nous analysa complétement au moral et au physique. Quelques-uns eurent la charité de nous trouver assez supportables, et de ne pas dire trop de mal de nous ; d’autres prétendaient que nous n’étions pas restés assez longtemps dans le royaume du Milieu pour nous bien former aux rites, qu’il était encore facile de remarquer en nous les traces de la mauvaise éducation qu’on reçoit dans les pays occidentaux. Il y en avait un surtout qui ne paraissait nullement sentir pour nous une très-vive sympathie ; il cherchait par tous les moyens à exciter ses camarades contre nous, et, si on l’eût écouté, notre voyage ne se serait pas continué d’une manière infiniment agréable. — On a trop de ménagements pour ces gens-là, disait-il ; on prétend que le viceroi du Sse-tchouen les a traités avec distinction ; selon moi, il a eu tort ; il eût mieux fait de les charger d’une cangue. Les hommes qui errent hors de leur royaume doivent être punis ; il faut les traiter avec sévérité, voilà la règle. Si notre préfet n’en avait pas peur, ils seraient plus obéissants ; qu’on me les donne, et on verra. Je les chargerai de chaînes, et je les conduirai ainsi à Canton… Nous crûmes reconnaître, au son de la voix, celui qui nous promettait ces aménités. Nous l’avions remarqué la veille ; c’était un mandarin militaire qui s’était vanté avec beaucoup de fierté et d’arrogance d’avoir fait la guerre contre les Anglais, et d’avoir vu d’assez près les diables occidentaux pour n’en avoir pas peur.
Pour dire vrai, les propos de ce militaire nous fatiguaient. Il n’y avait certainement pas lieu de nous effrayer, nous étions en règle avec le gouvernement, et personne, probablement, n’eût osé mettre la main sur