Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/432

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prennent pas l’idiome. Ils ne sont nullement familiarisés avec les mœurs et les habitudes du pays ; car on se tromperait grandement, si l’on pensait que tous les Chinois se ressemblent. La différence est peut-être plus tranchée en Chine, de province à province, qu’entre les divers royaumes de l’Europe. Quand les magistrats arrivent dans leur mandarinat, ils y trouvent, à poste fixe, des interprètes, des fonctionnaires subalternes qui, étant au courant de toutes les affaires de la localité, savent rendre leurs services indispensables. Dans les plus petites circonstances, les mandarins seraient incapables d’agir sans le secours de ces agents, qui sont, au fond, les véritables administrateurs. Les dossiers de tous les procès sont entre leurs mains ; eux seuls les compulsent, dressent par avance la teneur des jugements, et le magistrat n’a qu’à promulguer, en public, ce qui a été déterminé en secret et sans sa participation. Or, tous ces factotums inamovibles sont de l’endroit même ; ils ont avec eux leurs parents et leurs amis, et on n’est pas surpris, dès lors, de voir les affaires judiciaires et administratives conduites par l’intrigue et la cabale. Les tribunaux sont remplis de ces vampires, incessamment occupés à soutirer la substance du peuple, d’abord au profit du mandarin, et puis pour leur propre compte et celui de leurs amis. Nous avons eu de fréquentes relations avec ces gens-là ; nous les avons vus souvent à l’œuvre, et nous ne saurions dire si le sentiment qu’ils nous inspiraient était de l’indignation ou du dégoût ; c’était peut-être un mélange de l’un et de l’autre.

Ainsi, depuis l’avènement de la dynastie tartare mantchoue, la société chinoise a subi de profondes