Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/436

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nées, la dynastie a perdu la protection du ciel, le peuple n’a plus que des sentiments de colère ou de mépris pour ceux qui le conduisent ; la piété filiale n’existant plus parmi nous, il faut que l’empire s’écroule[1]. »

Le mandarin qui nous parlait de la sorte était, nous l’avons déjà dit, d’un âge très-avancé, par conséquent nous ne fûmes pas très-étonnés de lui trouver l’humeur un peu inquiète et grondeuse ; le vieillard d’Horace est cosmopolite.

Le jeune et charmant préfet de I-tou-hien voyait le mal, nous n’en doutons pas, aussi clairement que son respectable ami de Song-tche-hien, mais il ne se désespérait pas ; il n’avait pas l’air de penser que la nation chinoise fût arrivée au bout de ses destinées. Il remarquait bien que tout se détraquait, qu’il n’y avait pas un seul rouage qui ne grinçât ; toutefois il aimait sa machine, il la trouvait bien faite, savamment combinée, et il avait grande confiance qu’on pourrait la faire marcher encore pendant des siècles ; il avouait pourtant qu’un sage et habile mécanicien était indispensable. Sur ce dernier point il était d’une grande réserve et ne voulut jamais nous laisser voir tout le fond de sa pensée ; sa qualité de haut fonctionnaire lui commandait une grande prudence, et nous nous gardâmes bien de le presser sur une question si délicate ; cependant il en dit assez pour nous laisser soupçonner que la chute de la dynastie tartare ne le plongerait pas dans une inconsolable désolation. Il avait l’air de trouver assez raisonnable et naturel que la nation chinoise fût gouvernée par

  1. Nous devons déclarer ici que ces Souvenirs étaient écrits en 1849, sur des notes recueillies durant le voyage en 1846.