bagage. Ils n’avaient sauvé du naufrage que le peu d’habits qui séchaient dans la cour ; leur pipe même avait disparu dans la tempête ; mais les autorités de Kin-tcheou s’étaient empressées de leur en envoyer une à chacun, avec une abondante provision de tabac ; car un Chinois ne peut pas rester longtemps sans fumer, surtout quand il se trouve malheureux. Nous tranquillisâmes nos naufragés, en leur promettant de nous entendre avec les mandarins de la ville, afin qu’ils pussent réparer leurs pertes avant de quitter Kin-tcheou.
Mais ce qui ne pouvait être réparé, c’était la mort de deux soldats et du premier secrétaire du tribunal de Song-tche-hien. Quelle désolation pour ce bon préfet, quand il apprendrait la nouvelle de cette catastrophe, quand il saurait que son secrétaire avait été englouti dans le fleuve ! La pensée que ce pauvre vieillard serait responsable de ce funeste événement nous navrait de douleur. Nous connaissions les mœurs chinoises, et nous savions que cette mort serait probablement pour lui une source de persécutions. Les parents du secrétaire ne manqueraient pas de profiter de cette triste circonstance pour exiger du mandarin des indemnités exorbitantes. Il nous semblait les voir accourir au tribunal, se lamentant, arrachant leurs cheveux, déchirant leurs habits, et redemandant à grands cris leur parent. Il est évident que le préfet de Song-tche-hien n’était pas coupable de ce malheur ; il ne pouvait en rien lui être imputé. N’importe, un homme était à son service, il en était responsable ; il doit donc le rendre à sa famille. Il est mort, dites-vous, il a été victime d’un accident. Nous autres, qui sommes ses parents, nous n’en