Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/459

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lébration des derniers jeux nautiques, les Chinois et les Mantchous s’étaient divisés en deux camps et avaient disputé longtemps le prix de la course avec les bateaux-dragons ; les Tartares mantchous ayant eu le dessus, leur victoire avait été proclamée solennellement, et avec des formes inusitées, par les principaux mandarins de la garnison ; l’amour-propre des Chinois en avait été froissé. Des pièces de soie, des jarres de vin, des cochons rôtis et bouillis, et une certaine somme d’argent, telles étaient les récompenses qui furent distribuées aux vainqueurs ; ceux-ci partagèrent entre eux l’argent et les étoffes de soie, puis organisèrent un immense festin pour consommer le vin et les cochons.

Il est d’usage que, dans ces banquets, les vaincus aillent verser à boire aux vainqueurs ; cette cérémonie s’exécute, pour l’ordinaire, comme il convient entre bons camarades ; après qu’on a vidé quelques verres, selon les antiques prescriptions des us et coutumes, la fusion s’opère, et vaincus et vainqueurs prennent place indistinctement à la même table. Il paraît qu’à Kin-tcheou les Chinois, depuis longtemps indisposés contre les Mantchous, leur versèrent à boire de fort mauvaise grâce ; il y eut, dit-on, des propos injurieux ; on prétendit que les juges de la course nautique avaient été partiaux ; peu à peu la querelle s’envenima, et les Tartares, excités par le vin et les quolibets des Chinois, voulurent rappeler à leurs adversaires qu’ils étaient maîtres de la Chine, et que les conquis devaient respect et obéissance à la race conquérante. La bataille s’engagea, et quelques Chinois furent étendus morts et horriblement mutilés ; aussitôt l’agitation se communiqua à la