Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/460

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ville entière ; les Chinois coururent en tumulte et de tous les côtés, mais sans trop savoir où ils allaient, et poussant d’affreuses clameurs. Il faut avoir vécu au milieu de ces populations pour se faire une idée du désordre et de la confusion qui doivent régner dans les grandes villes en temps de trouble.

Pendant que les Chinois couraient et vociféraient dans tous les quartiers de Kin-tcheou, les Mantchous s’étaient réfugiés dans leurs cantonnements, qu’on nomme la ville tartare, et où se trouve le palais du kiang-kiun, général commandant la division militairede la province. Ce poste important est toujours occupé par un Tartare. Les Mantchous se concentrèrent dans le tribunal de leur grand mandarin au nombre, dit-on, de plus de vingt mille ; puis ils en barricadèrent toutes les portes. Les Chinois, persuadés qu’on avait peur d’eux, se ruèrent dans la ville tartare et environnèrent le tribunal du kiang-kiun, comme pour en faire le siége. L’attaque générale commença, non pas avec des armes bien meurtrières, mais par des milliers de voix qui demandaient avec acharnement qu’on leur livrât des Mantchous en nombre égal à celui des Chinois qui avaient été tués, afin qu’on pût se venger sur eux en les tuant et les mutilant à discrétion. Pendant qu’on formulait au dehors ces sommations horribles, et pourtant très-conformes aux mœurs chinoises, aucun bruit ne se faisait entendre dans l’intérieur du tribunal, pas un des assiégés ne se montrait. Les Chinois, de plus en plus persuadés qu’ils étaient devenus redoutables aux Tartares, s’avisèrent de vouloir forcer les barricades. A la première tentative, les portes du tribunal s’ouvrirent brusquement à deux