Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/469

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Notre conscience se trouvant suffisamment éclairée sur la véritable position sociale de ces deux fonctionnaires de la mission, nous leur dîmes qu’ayant le titre de soldats et en recevant les émoluments, ils devaient en remplir les fonctions, du moins dans les occasions extraordinaires, que la menace du rotin et de l’amende était une preuve non équivoque de la volonté expresse de l’inspecteur, et que les chrétiens étaient spécialement tenus de donner le bon exemple de l’obéissance et du patriotisme. Il fut donc convenu qu’ils s’arrangeraient pour aller où le devoir et l’honneur les appelaient ; et, de notre côté, nous prîmes bien la résolution de nous rendre à cette parade, qui promettait déjà de présenter un coup d’œil assez ravissant.

Le jour fixé étant venu, nos deux vétérans de l’armée impériale déjeunèrent solidement, de grand matin, et vidèrent un large vase de vin chaud pour se donner force et courage ; ils cherchèrent ensuite à se déguiser en soldats. Le travail ne fut ni long ni difficile ; ils n’eurent qu’à substituer à leur petite calotte noire un chapeau en paille, de forme conique, et recouvert d’une houppe de soie rouge, et qu’à endosser par-dessus leurs habits ordinaires une tunique noire à larges bordures rouges. Cette tunique portait devant et derrière un écusson en toile blanche, sur lequel était dessiné en grand le caractère ping, qui veut dire soldat ; la précaution n’était pas inutile, car, sans cette étiquette, il eût été souvent facile de faire de singulières méprises ; ainsi, par exemple, notre catéchiste, avec sa petite figure blême, son corps fluet et rétréci, et ses yeux larmoyants, toujours modestement baissés, n’avait certainement pas