Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/479

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l’état militaire. Un soldat, selon l’expression chinoise, est un homme antisapèque, c’est-à-dire sans prix, sans valeur, un homme qui ne peut pas être représenté par un denier. Un mandarin militaire n’est rien à côté d’un officier civil ; il ne doit agir que d’après l’impulsion qu’on lui donne ; il est le représentant de la force, de la matière, une machine à laquelle l’intelligence du lettré doit imprimer le mouvement.

Ces causes, pourtant, sont purement accidentelles, et nous ne pensons pas que les Chinois soient radicalement incapables de faire de bons soldats. Ils sont susceptibles de beaucoup de dévouement, et même d’un grand courage. Leurs annales sont aussi remplies de traits héroïques que celles des Grecs, des Romains et des peuples les plus guerriers. Quand on parcourt l’histoire de leurs longues révolutions et de leurs guerres intestines, on est souvent saisi d’admiration en voyant des populations entières, hommes, femmes, enfants, vieillards, tous, en un mot, soutenir, avec acharnement et enthousiasme, des sièges horribles, et défendre, jusqu’à complète extermination, les murs de leurs cités. Que de fois les tableaux de ces luttes grandioses nous ont reporté à des temps plus modernes en nous rappelant la sublime défense de Saragosse ! Nous avons remarqué, à plusieurs époques, des dévouements semblables à celui de ce fameux Russe qui eut le sombre et épouvantable courage de réduire Moscou en cendres pour sauver sa patrie. Et, dans les premiers temps de la dynastie mantchoue, les Chinois n’ont-ils pas eu le patriotisme et l’énergie de ravager eux-mêmes les côtes jusqu’à la distance de vingt lieues dans l’intérieur des terres, de renverser de fond