Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/480

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en comble les villages et les cités, d’incendier les forêts et les moissons, de faire enfin un immense désert, pour anéantir la puissance d’un formidable pirate, qui depuis longtemps tenait en échec toutes les forces de l’empire ?

On a beaucoup ri, beaucoup plaisanté de la manière dont se comportaient les soldats chinois devant les troupes anglaises. Après les premières décharges, on les voyait se débarrasser de leurs armes et prendre la fuite à toutes jambes, comme ferait un troupeau de moutons au milieu duquel une bombe éclaterait tout à coup. On en a conclu que les Chinois étaient des hommes essentiellement lâches, sans énergie et incapables de se battre. Ce jugement nous paraît injuste. Nous avons toujours pensé que, dans ces circonstances, les soldats chinois avaient tout bonnement fait preuve de bon sens. Les moyens de destruction employés par les deux partis étaient tellement disproportionnés, qu’il ne pouvait plus y avoir lieu à montrer de la bravoure. D’un côté, des flèches et des arquebuses à mèche, et, de l’autre, de bons fusils de munition et des canons chargés à mitraille. Quand il était question de détruire une ville maritime, c’était la chose la plus simple du monde ; une frégate anglaise n’avait qu’à s’embosser tranquillement à une distance voulue, puis, pendant que l’état-major, attablé sur la dunette, manœuvrait tout à son aise avec du champagne et du madère, les matelots bombardaient méthodiquement la ville, qui, avec ses mauvais canons, ne pouvait guère envoyer des boulets qu’à moitié chemin de la frégate. Les maisons et les édifices publics s’écroulaient de toute part, comme frappés de la foudre, l’artillerie anglaise était pour ces malheureux quelque