Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/113

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s’abandonnent facilement à tous les excès de la haine, de la colère et de la vengeance, il est cependant vrai de dire qu’ils n’aiment pas à s’occuper de politique et à s’ingérer dans les affaires du gouvernement. Sans cela il serait difficile de comprendre comment une nation de trois cents millions d’habitants pourrait avoir un seul instant de calme et de repos avec tant d’éléments de discorde et des leviers d’insurrection tels que la liberté d’association et la liberté de la presse. Il existe encore parmi les Chinois un usage bon et louable en soi, mais qui, exploité par des esprits turbulents et agitateurs, serait d’une puissance irrésistible pour exalter et fomenter les passions populaires ; nous voulons parler des chouo-chou-ti, ou « lecteurs publics. » La classe en est très-nombreuse ; ils parcourent les villes et les villages, lisant au peuple les passages les plus intéressants et les plus dramatiques de son histoire nationale, en les accompagnant toujours de commentaires et de réflexions. Ordinairement ces lecteurs publics sont diserts, beaux parleurs, et souvent très-éloquents. Les Chinois font leurs délices de les entendre discourir ; ils se groupent autour d’eux sur les places publiques, dans les rues, à l’entrée des tribunaux et des pagodes, et il est facile de comprendre, au seul aspect de leur physionomie, combien est vif l’intérêt qu’ils apportent aces récits historiques. Le lecteur public s’arrête quelquefois dans le cours de sa séance pour se reposer un peu, et il profite de ces interruptions pour faire une quête ; car il n’a d’autre revenu que les sapèques librement octroyées par ses auditeurs bénévoles. Ainsi voilà, en Chine, dans ce pays du despotisme et de la tyrannie,