Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/123

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à nos conducteurs de faire route par terre, espérant bien que le vent ne serait pas assez fort pour enlever les palanquins de dessus les épaules des porteurs, pour nous envoyer promener à travers les airs. Maître Ting nous objecta encore le péril du naufrage, bien plus à redouter, disait-il, en prenant la voie de terre que celle du fleuve Bleu. Cette crainte nous paraissant quelque peu chimérique, il nous avertit que, pour quitter Han-tchouan, il nous serait impossible d’éviter la navigation, parce que d’un côté nous avions le fleuve, et de l’autre un grand lac qu’il fallait nécessairement traverser. Les barques qu’on trouvait sur ce lac étaient tellement frêles et si mal construites, qu’elles ne pourraient résister à une tempête ; il fallait donc se résigner et attendre un peu de calme.

Quand le vent fut tombé, nous prîmes notre route par terre. Il y avait cinq ans qu’un missionnaire français avait fait le même chemin que nous, également escorté par des mandarins et des satellites, et conduit comme nous de tribunal en tribunal, mais en des situations bien différentes. Nous étions libres, entourés d’hommages et voyageant avec une certaine pompe ; lui, au contraire, était chargé de chaînes et abreuvé d’outrages par les bourreaux impitoyables qui l’escortaient, et cependant sa marche était, aux yeux de la foi, un véritable triomphe. Il s’en allait plein de force et de courage à un saint combat. Après avoir enduré avec une constance invincible de longues et affreuses tortures dans les divers prétoires de la capitale du Hou-pé, il a terminé glorieusement sa vie, la palme du martyre à la main et aux applaudissements du monde catholique.