Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/278

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pareil excès ? lui dîmes-nous. Quel crime a donc commis ta femme pour la traiter de la sorte… ? — Aucun, aucun, répondit-il d’une voix entrecoupée de sanglots ; elle n’a jamais mérite de reproche ; il y a deux ans, vous le savez, que nous sommes mariés, et nous avons toujours vécu en paix. Depuis plusieurs jours j’avais l’esprit préoccupé ; je me figurais qu’on se moquait partout de moi, parce que je n’avais jamais battu ma femme, et ce matin j’ai cédé à une pensée mauvaise. Aussitôt ce jeune homme, que nous n’eussions jamais soupçonné d’un semblable coup de folie, s’abandonna à de tardifs et inutiles regrets. Deux jours après, cette pauvre femme, qui avait toujours été un ange de douceur et de bonté, mourait au milieu d’affreuses convulsions.

L’intérêt est le seul motif capable de mettre des bornes à la dureté des Chinois envers leurs épouses. S’ils les traitent avec modération et ménagement, c’est quelquefois par principe d’économie ; on ménage bien une bête de somme, parce qu’elle coûte de l’argent, parce qu’on en a besoin et parce que, si on la tuait, il faudrait la remplacer. Ce hideux calcul n’est nullement chimérique en Chine. Dans un gros village, au nord de Péking, nous fûmes témoin d’une violente querelle entre un mari et sa femme. Après s’être longtemps accablés, l’un l’autre, d’outrages et de malédictions et s’être lancé quelques projectiles assez inoffensifs, la colère montant toujours par degrés, ils en vinrent à tout casser dans la maison. Plusieurs personnes du voisinage essayaient de les contenir sans pouvoir y réussir. Enfin, le mari saisit dans la cour un énorme pavé et se précipita, tout furieux, vers la cuisine, où sa femme faisait tomber sa rage sur