Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/295

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village voisin qu’il lui désigna. Nous avons déjà dit que les mandarins, ne pouvant jamais exercer de charge dans leur propre province, ne connaissaient pas suffisamment les idiomes des pays où ils se trouvaient, et qu’ils étaient obligés de se servir d’interprète toutes les fois qu’ils avaient à interroger un homme de condition inférieure. Le fonctionnaire interprète traduisit la question du juge à l’accusé. Celui-ci souleva un peu la tête, qu’il tenait affaissée sur sa poitrine, lança un regard de bête fauve vers le juge, et répondit, sur un ton plein d’insolence, qu’il avait entendu parler de Ly-fang. — Le connais-tu ; as-tu eu des relations avec lui ? — J’en ai entendu parler, je ne le connais pas. — Comment, tu ne le connais pas ? Il est démontré pourtant que cet homme est resté longtemps sur ta barque ; ne persiste pas à répondre des mensonges ; parle avec netteté : connais-tu Ly-fang ? — J’en ai entendu parler, je ne le connais pas… Le mandarin choisit sur la table un long jeton en bambou et le lança au milieu du prétoire. Un chiffre est écrit sur ce jeton, et désigne le nombre de coups que doit recevoir l’accusé, en observant toutefois que les exécuteurs doublent toujours le nombre fixé par le magistrat. Un des bourreaux ramassa le jeton, examina le chiffre et cria, en chantant : Quinze coups ! C’est-à-dire que l’accusé devait en recevoir trente, qui, multipliés encore par le nombre des bourreaux, devaient fournir un total effrayant. Il se fit aussitôt un mouvement dans l’assemblée ; tous les yeux se fixèrent, avec une ardente curiosité, tantôt sur le malheureux accusé, tantôt sur les bourreaux. Plusieurs souriaient et s’arrangeaient de leur mieux, comme des gens qui s’apprêtent à contempler