Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/333

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Leur main n’a jamais tremblé en décachetant une lettre. Il leur arrive même rarement de régler par écrit leurs affaires commerciales ; ils préfèrent se transporter sur les lieux, et les traiter de vive voix.

Ce n’est pas que les Chinois ne s’écrivent très-fréquemment. Ils ont l’habitude de s’adresser des missives toutes les fois qu’ils en trouvent l’occasion ; mais, dans leurs lettres, il n’y a jamais rien d’intime, rien de confidentiel. Ce sont des formules banales, consacrées par l’usage, et qui peuvent être envoyées sans inconvénient au premier venu. Aussi, le premier venu s’empare-t-il d’une lettre qui arrive, la décachette et la lit, sauf à faire part ensuite de ce qu’elle contient à celui à qui elle est adressée ; cela ne souffre pas la moindre difficulté. Lorsque quelqu’un écrit, pour peu qu’on soit curieux, on n’a qu’à se pencher par-dessus ses épaules, et lire, sans se gêner, les caractères qu’il trace ; on n’y met pas plus de façon.

La première année de notre séjour dans l’Empire Céleste, un fait, dont nous fûmes témoin, nous fournit une exacte appréciation de l’importance et de la valeur d’une lettre chinoise. Nous étions avec un lettré, originaire de Péking, qui, depuis huit ans, avait quitté son pays natal et sa famille pour venir remplir, dans une ville du Midi, les fonctions de maître d’école. Plusieurs conversations, que nous avions eues avec ce Chinois, nous avaient fait soupçonner qu’il n’était pas tout à fait, comme ses compatriotes, d’un naturel sec et insensible. Ses manières étaient sympathiques, et il paraissait doué d’un cœur exceptionnel. Un jour, comme nous étions sur le point d’expédier un commissionnaire à Péking,