Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/372

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inconvénient de ces auberges, c’est qu’il est très-peu aisé d’y dormir en paix, à cause du vacarme qui s’y fait perpétuellement ; et, si l’on a le malheur d’avoir des ânes dans la cour de l’établissement, alors il faut se résigner à ne pas fermer l’œil, car ces animaux terribles, sous prétexte, sans doute, que la musique a toujours été en honneur dans l’empire, se croient obligés, en tant que Chinois, de chanter durant la nuit entière et de s’abandonner à toutes les fantaisies de leur instinct philharmonique.

En 1840, nous voyagions en chariot dans la province de Péking. Notre catéchiste, ancien maître d’école, escortait la voiture, monté sur un âne magnifique, si plein d’ardeur et d’agilité, que les deux mulets de notre attelage avaient toute la peine du monde à soutenir la rapidité de sa course. Cet âne était si pénétré de sa supériorité, il en était si fier, qu’à peine apercevait-il ou sentait-il de loin un de ses collègues, il se mettait à braire avec une fatuité insupportable. Quand nous étions arrivés à l’hôtellerie, au lieu de se reposer en paix de ses fatigues, il passait la nuit à faire de la musique. Il y avait dans le timbre de sa voix et dans les modulations qu’il savait lui donner, quelque chose de si provocateur, que tous les ânes des auberges environnantes, entraînés apparemment par la puissance de son fluide magnétique, ne tardaient pas à se mettre de la partie et à braire aussi de toute leur force et de tout leur gosier. Il résultait de là un si étourdissant concert, qu’il n’y avait plus aucune possibilité de fermer l’œil.

Un soir que notre catéchiste nous vantait les qualités supérieures de son âne… — Ton âne, lui dîmes-nous,