Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/379

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

hérissés, la figure contractée et les lèvres livides, tous ces mendiants, naguère paisibles cultivateurs, paraissaient au moment de se laisser entraîner, par le désespoir, à tous les désordres. La chrétienté que nous habitions fut plusieurs fois visitée par ces caravanes affamées. Nous n’étions guère plus riches que les autres ; car l’inondation avait été générale ; cependant il fallut se retrancher un peu du nécessaire, et leur faire l’aumône de quelques poignées de riz. Des villages entiers furent abandonnés, et de nombreuses familles allèrent chercher à vivre dans les provinces voisines.

Les calamités de ce genre se reproduisent tous les ans, tantôt sur un point, tantôt sur un autre. Ceux qui ont quelques avances peuvent encore supporter ces moments de crise et attendre de meilleurs jours ; mais les autres, et ils sont toujours en grand nombre, n’ont plus qu’à s’expatrier ou à mourir de faim.

Outre ces misères locales et accidentelles, il y a encore ce qu’on pourrait appeler le paupérisme fixé et permanent, qui, comme une lèpre incurable, étend ses ravages sur la nation tout entière. Dans les grandes villes, la multitude des pauvres est effrayante. On les voit circuler le long des rues, étalant leurs difformités, leurs plaies hideuses, leurs membres disloqués pour exciter la commisération publique. Chaque jour il en meurt plusieurs de faim. Cependant les Chinois qui sont dans l’aisance font assez volontiers l’aumône de quelques sapèques ; mais ils ne connaissent pas ce sentiment de charité qui fait qu’on s’intéresse au pauvre, qu’on l’aime, qu’on compatit à ses misères. On donne à l’infirme, au malheureux, une pièce de monnaie ou une poignée de