Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/386

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qu’on porte, donne lieu quelquefois à des scènes hideuses et à peine croyables, si Ton ne savait que les passions finissent toujours par rendre l’homme cruel et inhumain.

Dans les provinces du Nord, surtout aux environs de la grande muraille, on rencontre quelquefois, pendant les froids les plus rigoureux de l’hiver, des hommes dans un état complet de nudité, qui, après avoir perdu tous leurs habits au jeu, ont été impitoyablement chassés du tripot. Ils courent dans tous les sens comme des forcenés, espérant échapper aux étreintes du froid. Ils vont se coller contre les cheminées en terre, qui, dans ces contrées, sont construites au niveau du sol, le long des murs des maisons. Ils cherchent à se réchauffer un peu, tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, pendant que leurs compagnons de jeu les regardent faire, en s’abandonnant à une atroce hilarité. Ce spectacle horrible ne dure pas longtemps, car le froid ne tarde pas à se rendre maître de ces malheureux, qu’on voit bientôt tomber et mourir. Les joueurs rentrent alors dans la salle, et se remettent au jeu avec un épouvantable sang-froid. Des faits semblables paraîtront fabuleux à bien des personnes ; mais ayant séjourné durant plusieurs années dans le nord de la Chine, nous attestons qu’ils sont de la plus grande authenticité.

Quelque étonnants que paraissent ces excès, les joueurs chinois ont trouvé le moyen de pousser encore plus loin leur passion pour le jeu ; on peut dire qu’elle va, chez eux, jusqu’à la folie. Il arrive quelquefois que ceux qui n’ont plus rien à perdre se réunissent à une table particulière pour jouer les doigts de leurs mains, qu’ils se coupent mutuellement avec un horrible