Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/395

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du repas on verse dans le godet de l’eau-de-vie qu’on enflamme ; on place l’urne dessus, et, de cette manière, on a l’agrément à avoir son alcool bien chaud tout le temps qu’on reste à table.

Cette horrible boisson fait les délices des Chinois et surtout de ceux du Nord, qui l’avalent comme de l’eau. Il en est un grand nombre qui se ruinent en eau-de-vie comme d’autres au jeu. Seuls ou en compagnie, ils passent les journées entières et quelquefois les nuits à boire par petits coups jusqu’à ce que l’ivresse ne leur permette plus de porter la coupe à la bouche. Quand cette passion s’est emparée d’un chef de famille, la misère, avec tout son lugubre cortège, ne tarde pas à faire son entrée dans la maison. Les brûleries ont coutume de donner l’eau-de-vie à crédit pendant toute l’année. Aussi personne ne se gêne ; on va continuellement puiser selon sa fantaisie, à cette source inépuisable. Les embarras commencent seulement à la dernière lune, époque des remboursements. Alors il faut payer avec usure, et, comme l’argent n’est pas venu avec l’habitude de s’enivrer journellement, il n’y a plus qu’à vendre ses terres, sa maison, si l’on en possède, ou bien qu’à porter au mont-de-piété ses meubles et ses habits.

On comprend difficilement comment il est possible aux Chinois de se passionner pour ces breuvages brûlants comme du feu, et, en outre, de très-mauvais goût. On nous a cité plusieurs exemples de buveurs morts incendiés ; ils avaient fait un usage si immodéré d’alcool, qu’il suintait, en quelque sorte, par tous leurs pores. Un accident, la simple action d’allumer la pipe suffisait pour enflammer et consumer ces malheureux. Nous