Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/472

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nous préoccupait sans cesse et nous causait de trop vives émotions pour qu’il nous fût permis d’accorder une attention soutenue à l’habileté des danseurs de corde.

Le lendemain matin nous nous embarquâmes sur des jonques construites et ornées dans le goût de celles qui nous avaient portés jusqu’à la montagne Meï-ling. Ce qui nous restait à faire de notre si long et si pénible voyage n’était plus qu’une promenade. Nous n’avions, en quelque sorte, qu’à nous laisser entraîner par le courant de l’eau, pour arriver en paix à Canton. Aussitôt qu’on eut levé l’ancre et que nous vîmes notre jonque fuir rapidement le long du rivage, notre âme fut tout à coup pénétrée d’une suave mélancolie. Nous nous souvenions qu’en 1840 nous avions pénétré dans l’empire en remontant ce même fleuve. Voici ce que nous écrivions, à cette époque, à un de nos bons amis de France, en lui racontant notre départ de Canton et notre première introduction en Chine. Notre lettre était datée d’une chrétienté peu éloignée de la montagne Meï-ling.

« Vers six heures du soir, on me fit la toilette à la chinoise ; on me rasa les cheveux, à l’exception de ceux que je laissais croître, depuis bientôt deux ans, au sommet de la tête ; on leur ajusta une chevelure étrangère, on tressa le tout et je me trouvai en possession d’une queue magnifique qui descendait jusqu’aux jarrets. Mon teint, pas déjà trop blanc, comme vous le savez, fut encore artificiellement rembruni par une couleur jaunâtre. Mes sourcils furent découpés à la manière du pays ; de longues et épaisses moustaches, que je cultivais depuis longtemps, dissimulaient la tournure européenne de mon nez ; enfin les