Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/471

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pieds ; mais les mœurs du pays conquis ont eu sur elles une telle influence, que, pour se donner une démarche à la mode, elles ont inventé des souliers dont la semelle extrêmement élevée se termine en cône. Elles vont ainsi d’une manière peut-être plus chancelante encore que les femmes chinoises.

Cette mode des petits pieds est, sans contredit, barbare, ridicule et nuisible au développement des forces physiques ; mais comment porter remède à cette déplorable habitude ? C’est la mode ! et qui oserait se soustraire à son empire ? Les Européens, d’ailleurs, ont-ils bien le droit de censurer les Chinois avec tant d’amertume sur un point si délicat ? Eux-mêmes ne prisent-ils donc pas aussi un peu les petits pieds ? Ne se résignent-ils pas tous les jours à porter des chaussures d’une largeur insuffisante et qui leur font subir d’atroces douleurs ? Que répondraient les femmes chinoises, si l’on venait un jour leur dire que la beauté consiste non pas à avoir des pieds imperceptibles, mais une taille insaisissable, et qu’il vaut infiniment mieux avoir le corsage d’une guêpe que des pieds de chèvre ? … Qui sait ? Les Chinoises et les Européennes, se feraient peut-être de mutuelles concessions, et finiraient par adopter les deux modes à la fois. Sous prétexte d’ajouter quelque chose à leur beauté, elles ne craindraient pas de réformer complètement l’œuvre du Créateur.

La représentation que nous donnèrent les acrobates de Nan-hioung dura presque toute la soirée. Les manœuvres furent très-divertissantes ; mais nous ne pûmes y donner qu’une médiocre attention. La pensée que, dans quelques jours, nous serions arrivés à Macao,