Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/477

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nous vîmes amarrées au pied de la colline une foule de petites nacelles remplies de passagers. Cet endroit n’était autre chose qu’un célèbre pèlerinage du diable. Ceux qui venaient y pratiquer leurs superstitions passaient de leurs barques dans un souterrain, puis montaient, par un escalier creusé dans l’intérieur de la montagne, jusqu’aux galeries supérieures. Là se trouvent les idoles privilégiées qui attirent de fort loin un si grand nombre de pèlerins[1] » .

En parcourant de nouveau cette rivière, à six années d’intervalle, nous aimions à rappeler nos impressions d’autrefois, et à contempler ces sites qui avaient frappé nos regards à l’époque de notre entrée en Chine ; nous revîmes avec émotion ces montagnes agrestes, qui forment comme une digue naturelle aux eaux du Tigre, cette pagode creusée dans la roche vive, et ces douanes échelonnées sur le rivage, qui, lors de notre premier passage, nous avaient causé tant de tourments. À mesure que nous avancions, le lit du fleuve s’élargissait, et les jonques cantonnaises, qui remontaient le courant de l’eau, devenaient plus nombreuses. Le bruit des avirons et le chant grêle et nasillard des matelots remplissaient l’air d’une sauvage et mélancolique harmonie, que nous écoutions avec un sentiment vague de tristesse et de bonheur. Il nous semblait que nous pénétrions pour la première fois dans l’Empire Céleste, et que nous venions de dire adieu pour toujours à la colonie européenne de Canton et de Macao… Nous allions au contraire la revoir !

  1. Annales de la propagation de la foi, n° 88, p. 212 et suiv.