Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/479

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La simple vue d’un pavillon européen l’ait battre le cœur ; car il réveille tous les souvenirs de la patrie.

En traversant le port de Canton sur notre jonque mandarine, nos yeux cherchaient avec une avide curiosité tout ce qui n’était pas Chinois. Nous longeâmes les flancs d’un brick anglais, et nous ne pouvions nous rassasier de contempler ces matelots en petit chapeau ciré, qui, rangés en file contre les bastingages, nous regardaient passer, sans se douter assurément qu’ils avaient sous les yeux deux Frenchmen tout récemment descendus du plateau de la haute Asie. Ils devaient probablement s’abandonner à de fort amusantes observations sur nos allures chinoises, pendant que nous étions à nous extasier sur leurs étonnantes physionomies. Ces figures rubicondes avec des yeux bleus, un long nez et des cheveux blonds ; ces habits étriqués et, en quelque sorte, collés sur les membres, tout cela nous paraissait prodigieusement drôle. Une gracieuse embarcation peinte en vert et recouverte d’une tente de toile blanche, passa à côté de nous. Il y avait dedans trois gentlemen qui, le cigare à la bouche, se donnaient le charme et les douceurs d’une promenade aquatique. Rien de plus grotesque, pour des yeux asiatiques, que leur accoutrement. Ils étaient en chapeau noir, en pantalon blanc, gilet blanc et jaquette blanche. Un Thibétain eût éclaté de rire, en voyant ces figures sans barbe et sans moustaches, mais, en revanche, ayant sur chaque joue un gros paquet de poil rouge tout frisé. Nous comprîmes alors combien les Européens devaient paraître ridicules dans les pays qui n’ont aucune connaissance de leurs usages et de leurs modes.