Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/111

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saient de vie et de mouvement tous les coins de ce domaine, s’est éteint subitement. On dirait maintenant d’un désert et d’une solitude.

Le maître, comme l’esclave, aussi bien les bestiaux que les animaux domestiques, dorment, s’enferment, se cachent à l’ombre des maisons ou des arbres.

Quiconque se hasarde à sortir, peut se promener impunément par toute l’habitation, sans rencontrer âme qui vive, sans crainte qu’un regard l’épie et le surprenne, qu’aucune oreille l’entende, qu’aucune indiscrétion trouble ses pas où qu’ils se portent. Des vols même, assez rares pendant, la nuit, où il y a toujours une garde sur les habitations, sont plus fréquents à ce moment calme et solitaire de la journée.

Jérémie sortit donc à la recherche de Madeleine. Il arriva jusqu’à l’hôpital, où une vingtaine de noirs malades dormaient. La souffrance du corps elle-même s’assoupit quelquefois aussi à cette heure. Les gardiens de l’hôpital, étendus aux pieds des lits des malades, reposaient également. Jérémie parcourut l’hôpital dans tous les sens, Madeleine n’y était point ; il alla aux tristes cachots, vides le plus souvent, il faut bien le dire ; Madeleine n’était venue consoler aucun prisonnier et promettre à quelques-uns le pardon toujours assuré. Il parcourut toutes les cases à nègres. Personne n’avait vu Madeleine. En vain, il l’appela d’une voix forte et accentuée d’abord ; puis, à la seconde fois, sa voix émue et tremblante put à peine se faire entendre ; à la troisième, ses lèvres ne purent même pas articuler un nom qu’elles avaient accoutumé à prononcer. Les larmes étouffaient Jérémie lorsqu’il rentra, le visage bouleversé et les yeux égarés dans la galerie, où Firmin attendait avec une impatience fébrile.

— Qu’y a-t -il, Jérémie ? demanda-t -il en voyant la décomposition des traits de l’économe.