Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/161

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Francilia était le type de ces jeunes esclaves gâtés, choyés à l’égal des enfants de la maison dans toutes les familles créoles : à quoi il y a toujours une raison. La jeune métive devait cette existence de douceur et d’oisiveté dont elle jouissait, à ce qu’elle était la fille de M. Mongenis. C’est, à coup sûr, là un des traits les plus bizarres des mœurs coloniales que l’indulgence facile des femmes créoles pour des fautes de cette nature. Nos mères, nos femmes, nos sœurs, entourent d’une aveugle tendresse les bâtards que nous introduisons sous leur toit, que nous y procréons même. Leur seule vengeance est de les maintenir esclaves, jusqu’à refuser obstinément tout octroi de liberté en leur faveur. Il reste à savoir, en vérité, si ce n’est pas plutôt pour avoir la certitude de conserver auprès d’elles ces privilégiés de leurs caresses, que pour leur faire expier le malheur de leur naissance. Toujours est-il que ces petits esclaves-là sont élevés comme s’ils étaient appelés à de hautes destinées. Ils vivent dans une oisiveté complète, sous la main, sous le regard et sous les baisers de leur maîtresse, qui pour rien au monde ne les voudrait condamner aux fatigues du moindre travail. Ils ont, de plus, l’impunité de toutes leurs fautes.

Telle était la situation de Francilia. Elle devenait donc une charge, au lieu d’être un secours à madame Mongenis.