À peine rentré, il entendit passer sous ses croisées une bande de donneurs de sérénades qui murmuraient à voix basse, en se rendant au balcon où ils avaient affaire, le couplet que voici :
Si vous saviez qu’elle est jolie !...
Comme une étoile au front des cieux
Elle brille, et je vous défie
De rencontrer deux plus beaux yeux !
— Par Christophe Colomb ! s’écria André en ouvrant ses jalousies, voilà qui est à merveille ! Je gage que ce sont mes nouvelles amours qui passent.
— C’est singulier, murmurait en ce moment un des chanteurs, depuis deux mois les amants ne veulent plus que nous servions en sérénade à leurs maîtresses d’autre chanson que celle-là !
— Sais-tu pourquoi, Pedro ? répliqua un autre.
— Par ma foi, non !
— Eh bien ! c’est parce que cette chanson a été faite pour la señora Antonia ; et comme la señora Antonia est, disent ceux qui la connaissent, la plus ravissante créature de la terre, c’est-à-dire de la Havane, les amants s’imaginent que de chanter à leurs maîtresses cette chanson, cela les fera ressembler à doña Antonia.
— Elle est donc bien belle, Pedro ?
— Si elle est belle ! exclama le chanteur.
Et il reprit son air en lançant à pleine voix le couplet suivant :
C’est la plus charmante créole,
Par tous les saints du paradis ;
La plus fine perle espagnole
Que l’on ait vue en nos pays !
— Bien riposté, Pedro ! cria une voix qui tomba dans la rue du haut d’une croisée.