Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/248

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Dans ces conditions de vie publique même au fond de leur alcôve, les femmes créoles, non-seulement ne peuvent rencontrer sous leur toit des occasions de faiblesse, mais encore elles sont garanties contre toute conversation compromettante pour leur honneur, part faite, bien entendu, à la liberté des propos qui, dans les colonies espagnoles surtout, sont dans les mœurs du meilleur monde.

Pour qu’une femme puisse enfreindre ces lois de la surveillance domestique, qui laissent aux maris le loisir de dormir sur leurs deux oreilles, comme on dit, il faut qu’elle en arrive à jeter complétement son bonnet pardessus les balcons, et accepte d’être mise au ban de la société coloniale, société très-guindée en général, au milieu même de l’extrême licence qu’elle affiche quelquefois. Elle aime peu qu’on la fronde, et montre la plus grande antipathie à tous ceux qui paraissent faire fi du qu’en dira-t-on.

Il n’y a pas de pays où l’on soit plus indulgent pour les faiblesses, et même pour les vices, mais sous la condition qu’on n’en fera point parade.

Il reste aux femmes une ressource suprême, dangereuse, mais qui leur fait rarement défaut, pour échapper, quand elles en ont la pensée, aux scrupules de l’intérieur domestique. Cette ressource est la protection coupable de leur nourrice, ou de l’esclave favorite, élevée avec elles, dans leur intimité, comblée de leurs bienfaits, et plus esclave encore par le dévouement et par l’affection que par la loi. Toute défaillance de vertu, aux colonies, s’est toujours accomplie derrière un de ces deux manteaux.

Il faut avoir vécu dans la société coloniale pour bien comprendre que ces deux êtres, nourrice et esclave, n’agissent ainsi ni par corruption ni par intérêt, mais par dévouement. En aidant une femme à se perdre, elles croient