Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/26

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esclave en montrant la maison de son maître. Quant au cheval, si vous en avez besoin d’un, ce sera encore ici…

S’imaginant avoir affaire à un étranger, ainsi que les nègres appellent volontiers tout ce qui n’est pas créole, puisque son interlocuteur pouvait supposer qu’en passant si près d’une habitation il dût s’inquiéter de demander ailleurs l’hospitalité, la jeune négresse remit sur sa tête son paquet d’herbes avec un certain dédain et se disposait à reprendre sa course.

— Ainsi, lui dit Firmin en l’arrêtant par le bras, je puis m’adresser à la maison ?…

— Singulière question ! répliqua la négresse en haussant les épaules ; est-ce que la porte de mon maître n’est pas toujours ouverte à tout le monde ? Seulement, reprit-elle, vous la trouverez fermée aujourd’hui, parce que mon maître est parti hier pour Saint-Pierre avec toute sa famille ; mais vous pouvez vous adresser à papa Jérémie… c’est la même chose.

Les esclaves donnent ce titre de papa à tout nègre ou homme de couleur qui exerce une autorité sur eux, ou des bienfaits duquel ils ont à se louer. C’est une épithète de reconnaissance et de soumission en même temps.

— Qu’est-ce papa Jérémie ?

— L’économe de l’habitation. Sa case est à côté de l’hôpital ; si vous le désirez, je vais vous y conduire.

— Volontiers.

La jeune négresse partit en avant, en reprenant sur un autre air une nouvelle chanson qu’elle improvisa… sans aucun doute sur l’étranger.

— Voici la porte de papa Jérémie, dit-elle à Firmin, vous pouvez entrer.

Firmin, au lieu d’entrer, car la porte était ouverte, se donna la peine de frapper, ce qui surprit tellement Jérémie que celui-ci arriva tout effaré. Firmin lui raconta