Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/27

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brièvement son naufrage, et le besoin très-pressant qu’il éprouvait d’avoir un cheval pour pouvoir se mettre en route aussitôt après qu’il aurait fait sécher ses vêtements.

Jérémie s’excusa sur l’absence des propriétaires qui avaient emmené jusqu’au plus mauvais portorico de l’écurie.

Les chevaux importés de l’île de Porto-Rico sont d’un usage très-commun aux Antilles. Petits, maigres, chétifs d’apparence, ils sont néanmoins d’excellentes montures de route, à cause de leur douceur, de leurs allures, de la solidité de leurs jarrets et de leur énergie à supporter la fatigue. Mais le manque d’éclat extérieur leur a valu d’injurieuses épithètes ; et il est rare qu’on parle d’un cheval de Porto-Rico aux colonies sans dire, comme Jerémie : un mauvais portorico.

— Mais, reprit l’économe, je vous trouverai un cheval au bourg, chez un voisin, n’importe où.

— En le payant, au besoin, le prix qu’on voudra. Car je suis horriblement pressé, ajouta Firmin ; il faut que je parte dans deux heures au plus tard.

— Ne vous inquiétez pas, je ferai de mon mieux ; mais, en attendant, ne souperez-vous pas ?

— De grand appétit.

— Eh bien ! je vais charger ma fille de vous ordonner le repas, pendant que je cours à la recherche du cheval.

Firmin s’assit devant la porte où arrivait un dernier rayon du soleil couchant, pendant que Jérémie allait d’un bout à l’autre de sa case, faisant les plus vives recommandations pour que rien ne manquât à son hôte, entre les mains duquel il remit un paquet de bouts de nègres (longs cigares minces), et disparut dans la direction du bourg.