Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/36

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une transparence sanguine et rosée, à toute la physionomie un caractère ardent ; les lèvres bien dessinées et un peu grasses ; la taille svelte, élancée, mais sans maigreur.

Sous la peau satinée du cou on voyait circuler le sang dans un réseau de veines bleuâtres. Les mains et les pieds semblaient ceux d’un enfant de douze ans, véritables pieds de créole.

Madeleine, ce qui était très-rare à cette époque-là, ne portait point le costume des femmes de sa caste ; elle était vêtue à l’européenne, comme on dit là-bas. Mais elle était si blanche de peau, qu’en vérité cette anomalie frappait moins. Jérémie avait constamment refusé de s’expliquer sur le compte de ce costume, contre lequel quelques dames blanches avaient protesté, le dénonçant comme une usurpation. Des plaintes avaient même été portées au propriétaire de l’habitation, qui avait dû céder devant les énergiques supplications de Jérémie. Plusieurs de ses amis l’en avaient blâmé sérieusement.

À voir Madeleine dans sa simple toilette de ménagère, toujours très-propre et un peu coquette d’ailleurs, on eût juré d’une grande dame de la meilleure race, déguisée en villageoise d’opéra-comique. On pouvait rencontrer beaucoup de femmes réunissant, même à un degré supérieur, les signes de beauté que nous venons d’attribuer à Madeleine, mais il en était peu qui possédassent ce charme extérieur et cette séduction indéfinissable qui, après avoir captivé les yeux, faisaient frissonner le cœur.

Madeleine, se sentant couvée par le regard de Firmin, baissa la tête et recula d’un pas, timidement mais sans gaucherie.

— Peste ! murmura le jeune créole en s’attablant, voilà des yeux qui ôtent l’appétit, une taille qui donne des démangeaisons au bout des doigts, et une voix qui défierait toutes les musiques de ce monde !