Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deleine. Déjà absorbé par l’image de la jeune fille, toujours flottante devant ses yeux, il s’enivra plus encore à l’idée que tous les objets qu’il touchait avaient été touchés par Madeleine. Partout il s’efforçait de trouver les traces de sa présence dans cette pièce. Cette chaise n’était-elle pas celle où elle s’asseyait ? Cette table ainsi rangée n’avait-elle pas été transportée là par Madeleine ? Firmin ouvrit ses poumons plus larges, comme pour aspirer avec délices l’atmosphère de cette chambre.

Dix fois Firmin se jeta sur le lit, essayant d’appeler un sommeil réparateur qui le fuyait impitoyablement. Il ouvrit la croisée de sa chambre, alluma un bout, et laissa courir son imagination à travers cette vaste savane, respirant l’air embaumé des herbes et des fleurs, écoutant mugir tout près de lui cette mer formidable où il avait failli périr le matin. Firmin vit bientôt un nègre, armé d’un large coutelas, traverser la savane et se diriger du côté de la case de Jérémie. C’était le nègre de garde qui faisait sa ronde. En passant devant la croisée où était accoudé Firmin, il retira son bonnet.

— Vous plaît-il, maître, demanda le nègre, de me donner un bout ?

Firmin lui offrit la moitié du paquet qu’il avait sous la main.

— Merci, maître, fit le nègre en saluant jusqu’à terre. Puis, après avoir coupé avec ses dents le bout par le milieu :

— Voulez-vous me permettre de l’allumer ? lui demanda-t-il.

Chose singulière ! Jamais, pendant le jour, un nègre n’oserait faire une pareille demande à un blanc. Autant les nègres sont respectueux et craintifs en plein jour, autant ils deviennent familiers pendant la nuit, se permettant mille petites privautés de cette sorte. Ceci m’avait