Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/58

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chissez, Monsieur, et vous verrez que j’ai encore raison.

— Eh bien ! faites avancer mon cheval, répondit Firmin avec une décision subite.

Après que Jérémie l’eut quitté pour aller à l’écurie, Firmin se laissa tomber sur le banc, la tête cachée dans les mains.

— Oui, oui, il a raison, murmura-t-il, mieux vaut que je parte tout de suite. J’emporte ainsi dans mon souvenir une fleur fraîche à peine éclose encore ; tandis qu’en revoyant Madeleine, à la fleur je joindrais un bouquet d’épines qui me déchireraient le cœur…

Quelques instants après, le cheval de Firmin piaffait devant la porte de la case.

— Allons, dit-il en se mettant en selle, je ne vous oublierai jamais, Jérémie ; ni vous, ni Madeleine. Bonne santé, et soyez heureux tous deux !…

— Et vous, Monsieur, répliqua le mulâtre, quoi que vous me demandiez, si l’occasion se présente, je l’exécuterai comme un ordre.

Firmin leva les yeux, et aperçut derrière la jalousie d’une fenêtre le visage de Madeleine ; il lui sembla que la jeune fille était pâle et émue. Il salua, fit un signe de tête accompagné d’un sourire triste et s’éloigna de la maison. Arrivé à quelque distance de l’habitation, au lieu de prendre la route qui devait le conduire à la Calebasse, il tourna comme pour revenir du côté de la Caravelle.

— Ce n’est pas le chemin, maître, lui cria le négrillon accroché à la queue du cheval.

— Je le sais, répondit Firmin, mais je ne vais plus à la Calebasse, je rentre sur mon habitation.

Le jeune créole suivit quelques pas encore la direction qu’il avait prise, puis tout à coup il tourna bride et regagna la route de la Calebasse. À la première habitation qu’il rencontra, il rendit au négrillon le cheval que lui